dimanche 24 février 2019

CAMILLE: DU NON AU OUÏ

DU NON AU OUÏ... AVEC DEUX POINTS LEVÉS

 
Qu’est-ce qu’une chanson ? Ce sont des couplets et un refrain qui revient. Cette répétition définit la chanson, plus encore que la narration. C’est elle qui permet qu’on retienne ce refrain. Pour moi, la chanson a une vocation collective, sociale, parce qu’elle est faite pour bercer et pour être répétée, interprétée et réinterprétée par tous ceux qui l’entendent. PHRASE 1 . Une chanson, c’est un cierge allumé collectivement au moment où on la chante, mais elle traverse les âges.

Quand une chanson parle de politique, on dit qu’il y a du fond et qu’elle s’adresse à la société, mais je pense qu’une berceuse a la même fonction. PHRASE 2 . Sur mon dernier disque, j’ai voulu une douceur, ferme et puissante. En soi, cela constitue un message pour la société. Il n’est pas nécessaire de dire littéralement ce que je crois être bon pour elle. La chanson, par le seul fait qu’elle est et qu’elle continue à exister, constitue un lien social et c’est crucial aujourd’hui. Il est essentiel que les gens continuent à se regrouper.

Il existe toutes sortes de chansons : pour bercer, pour accompagner les morts, les mariages ou les festins. Il y en a pour la maternité ou pour les révolutions. PHRASE 3 . Juliette Gréco, cette merveilleuse dame, disait que toutes les chansons d’amour sont révolutionnaires et que toutes les chansons révolutionnaires sont des chansons d’amour.

Dans la note d’intention de l’album, j’ai écrit : « Je voulais faire un disque protestataire, je voulais dire non, et voilà que je dis OUÏ. » Je suis passée du non au oui. J’avais au départ des textes plus dans l’émotion, portant un discours plus explicite sur la société. J’en ai gardé, ce qui parle des graines et de la terre (comme les chansons Seeds et Twix). C’est symptomatique, ce n’est pas forcément un choix que j’ai fait. La création raconte où l’on en est, au plus juste. PHRASE 4 . La musique appartient à une autre sphère, de réconciliation et de paix. Parce qu’il est fondamental de dépasser notre égocentricité, mes textes les plus engagés parlent davantage de ce qui nous entoure que de nous. Et ceux qui parlent de nous, comme Nuit debout, restent volontairement dans un registre très impressionniste. Mais c’est un moment, c’est là où j’en suis maintenant, je trouverai peut-être plus tard d’autres mots.

Chacun d’entre nous peut devenir un artiste s’il veille à exprimer ce qui le définit singulièrement. On peut créer la culture comme on cultive un champ, là où on est. PHRASE 5 . Chanter et danser ensemble est essentiel. Il faut un guide. C’est le rôle que j’ai sur scène, mais j’aimerais aller plus loin encore que le partage. Dans un concert pop classique, il y a toujours ce côté où l’artiste donne quelque chose à un spectateur un peu passif. C’est déjà une forme de catharsis. Mais on a besoin aussi d’une assemblée plus horizontale.

Pour moi, le rôle de l’artiste, c’est bien sûr de créer, mais aussi de transmettre aux autres l’idée qu’ils sont à leur tour capables de créer, comme quelqu’un qui sème des graines et qui dit « vous aussi vous êtes une culture, vous êtes vivants ».

PHRASE 6 . Quelles que soient nos migrations personnelles, il faut prendre conscience que nous venons de quelque part, que nous avons un goût particulier et qu’il faut le cultiver.

Le i tréma de Ouï avec ses deux points levés est un combat pour la paix. J’ai été élevée dans l’esprit de résistance. Ma grand-mère était résistante. PHRASE 7 . Je viens d’une culture du « non », je suis française et aujourd’hui je dis « oui » car je trouve cette culture du « contre » complètement ringarde, je pense qu’au XXIe siècle, s’il faut parfois résister fermement, nous devons surtout aller vers le vivant et vers la paix. On dira que ce que je propose est « bobo » ou « New Age » mais ça m’est égal ! Si l’écologie, la méditation, les pratiques collectives deviennent quotidiennes, alors cela change drastiquement les choses. À mon humble niveau, je peux affirmer que je n’en serais pas là si je ne chantais et ne dansais pas tout le temps. Les choses douloureuses le sont moins quand on les accompagne. PHRASE 8 .
G.T.

PROPOSITIONS
PARAGRAPHE
A.    Ce qui compte, c’est la façon dont on chante.
2

B.    Chacun – je le dis sans démagogie – peut écrire, faire un cercle. Chaque famille, chaque immeuble peut chanter tous les jours. Ce sont de vraies pratiques de paix, de joie de vivre et de dignité.
5

C.   Elle est comme un relais, une lumière qui se transmet de personne à personne. J’aimerais que dans deux cents ans mes chansons soient chantées même si on ne sait plus qui les a écrites.
1

D.   En France, nous sommes tous marqués par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mon père était un militant de gauche, il s’est fait tabasser à une manif. Il a perdu un ami qui s’est fait tuer par un membre du FN à l’arme blanche alors qu’il collait des affiches.
7

E.    La chanson est là pour ça. Même les chansons intimes qui disent le chagrin ou la colère aident les gens parce qu’elles les accompagnent dans les moments difficiles de la vie.
8

F.    La chanson peut avoir toutes les fonctions qu’on veut lui donner, mais toutes ces fonctions sont sociales, qu’elles soient dans le poétique ou le politique, dans la tendresse ou la colère.
3

G.   Les plantes qui ont la saveur la plus particulière et qui sont les plus résilientes, ce sont celles qui sont le plus enracinées, très loin des champs de monoculture muets qui n’ont plus de goût ni de résistance aux maladies.
6

H.   Si les chansons les plus explicites politiquement sur cet album sont celles qui parlent de la nature, c’est sûrement parce que je suis sauvée par la poésie de quelque chose qui n’est pas proprement humain. Avec la musique, on ne ressasse pas l’humain et ses conflits, on les dépasse.
4

L'INTERVIEW "OUI OU NON" (JACK)

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