DU NON AU OUÏ... AVEC DEUX POINTS LEVÉS
Qu’est-ce qu’une chanson
? Ce sont des couplets et un refrain qui revient. Cette répétition définit la
chanson, plus encore que la narration. C’est elle qui permet qu’on retienne ce
refrain. Pour moi, la chanson a une vocation collective, sociale, parce qu’elle
est faite pour bercer et pour être répétée, interprétée et réinterprétée par
tous ceux qui l’entendent. PHRASE 1 . Une chanson, c’est un
cierge allumé collectivement au moment où on la chante, mais elle traverse les
âges.
Quand une chanson parle
de politique, on dit qu’il y a du fond et qu’elle s’adresse à la société, mais
je pense qu’une berceuse a la même fonction. PHRASE 2 . Sur mon dernier disque, j’ai voulu une douceur,
ferme et puissante. En soi, cela constitue un message pour la société. Il n’est
pas nécessaire de dire littéralement ce que je crois être bon pour elle. La
chanson, par le seul fait qu’elle est et qu’elle continue à exister, constitue
un lien social et c’est crucial aujourd’hui. Il est essentiel que les gens
continuent à se regrouper.
Il existe toutes sortes
de chansons : pour bercer, pour accompagner les morts, les mariages ou les
festins. Il y en a pour la maternité ou pour les révolutions. PHRASE 3 . Juliette Gréco, cette merveilleuse dame, disait que
toutes les chansons d’amour sont révolutionnaires et que toutes les chansons
révolutionnaires sont des chansons d’amour.
Dans la note d’intention
de l’album, j’ai écrit : « Je voulais faire un disque protestataire, je voulais
dire non, et voilà que je dis OUÏ. » Je suis passée du non au oui. J’avais au
départ des textes plus dans l’émotion, portant un discours plus explicite sur
la société. J’en ai gardé, ce qui parle des graines et de la terre (comme les
chansons Seeds et Twix). C’est symptomatique, ce n’est pas
forcément un choix que j’ai fait. La création raconte où l’on en est, au plus
juste. PHRASE 4 . La musique appartient à une
autre sphère, de réconciliation et de paix. Parce qu’il est fondamental de
dépasser notre égocentricité, mes textes les plus engagés parlent davantage de
ce qui nous entoure que de nous. Et ceux qui parlent de nous, comme Nuit
debout, restent volontairement dans un registre très impressionniste. Mais
c’est un moment, c’est là où j’en suis maintenant, je trouverai peut-être plus
tard d’autres mots.
Chacun d’entre nous peut
devenir un artiste s’il veille à exprimer ce qui le définit singulièrement. On
peut créer la culture comme on cultive un champ, là où on est. PHRASE 5 . Chanter et danser ensemble
est essentiel. Il faut un guide. C’est le rôle que j’ai sur scène, mais
j’aimerais aller plus loin encore que le partage. Dans un concert pop
classique, il y a toujours ce côté où l’artiste donne quelque chose à un
spectateur un peu passif. C’est déjà une forme de catharsis. Mais on a besoin
aussi d’une assemblée plus horizontale.
Pour moi, le rôle de
l’artiste, c’est bien sûr de créer, mais aussi de transmettre aux autres l’idée
qu’ils sont à leur tour capables de créer, comme quelqu’un qui sème des graines
et qui dit « vous aussi vous êtes une culture, vous êtes vivants ».
PHRASE 6 . Quelles que soient nos
migrations personnelles, il faut prendre conscience que nous venons de quelque
part, que nous avons un goût particulier et qu’il faut le cultiver.
Le i tréma de Ouï avec
ses deux points levés est un combat pour la paix. J’ai été élevée dans l’esprit
de résistance. Ma grand-mère était résistante. PHRASE 7 . Je viens d’une culture du « non », je suis
française et aujourd’hui je dis « oui » car je trouve cette culture du « contre
» complètement ringarde, je pense qu’au XXIe siècle, s’il faut parfois résister
fermement, nous devons surtout aller vers le vivant et vers la paix. On dira
que ce que je propose est « bobo » ou « New Age » mais ça m’est égal ! Si
l’écologie, la méditation, les pratiques collectives deviennent quotidiennes,
alors cela change drastiquement les choses. À mon humble niveau, je peux
affirmer que je n’en serais pas là si je ne chantais et ne dansais pas tout le
temps. Les choses douloureuses le sont moins quand on les accompagne. PHRASE 8 .
G.T.
PROPOSITIONS
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PARAGRAPHE
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✓
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A.
Ce qui compte,
c’est la façon dont on chante.
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2
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B.
Chacun – je le
dis sans démagogie – peut écrire, faire un cercle. Chaque famille, chaque
immeuble peut chanter tous les jours. Ce sont de vraies pratiques de paix, de
joie de vivre et de dignité.
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5
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C.
Elle est comme
un relais, une lumière qui se transmet de personne à personne. J’aimerais que
dans deux cents ans mes chansons soient chantées même si on ne sait plus qui
les a écrites.
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1
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D.
En France, nous
sommes tous marqués par l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mon père
était un militant de gauche, il s’est fait tabasser à une manif. Il a perdu
un ami qui s’est fait tuer par un membre du FN à l’arme blanche alors qu’il
collait des affiches.
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7
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E.
La chanson est
là pour ça. Même les chansons intimes qui disent le chagrin ou la colère
aident les gens parce qu’elles les accompagnent dans les moments difficiles
de la vie.
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8
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F.
La chanson peut
avoir toutes les fonctions qu’on veut lui donner, mais toutes ces fonctions
sont sociales, qu’elles soient dans le poétique ou le politique, dans la
tendresse ou la colère.
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3
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G.
Les plantes qui
ont la saveur la plus particulière et qui sont les plus résilientes, ce sont
celles qui sont le plus enracinées, très loin des champs de monoculture muets
qui n’ont plus de goût ni de résistance aux maladies.
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6
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H.
Si les chansons
les plus explicites politiquement sur cet album sont celles qui parlent de la
nature, c’est sûrement parce que je suis sauvée par la poésie de quelque
chose qui n’est pas proprement humain. Avec la musique, on ne ressasse pas
l’humain et ses conflits, on les dépasse.
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4
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