mercredi 7 mai 2014

LE TOURISME FRANCOPHONE (NA1)



(Los Angeles Times / Beverley Beyette / 20 juillet 2006)
SAINT-PIERRE ET MIQUELON, ÎLES FRONTIÈRE
Comment passer un 14 juillet sous le drapeau tricolore sans traverser l’océan lorsqu’on est une journaliste californienne ? Il suffit de se rendre dans le plus septentrional de nos territoires d’outre-mer. Exotisme et Marseillaise garantis !
            Le drapeau tricolore flotte sur la place du Général-de-Gaulle par cette matinée brumeuse, //PHRASE 1//. Nous sommes le 14 juillet. Je suis en France, entourée de Français patriotes, et pourtant, 4 500 kilomètres et un océan me séparent de Paris. Car Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est la France, même si les deux îles se situent à une trentaine de kilomètres au large de la pointe sud de Terre-Neuve. [...]
Saint-Pierre-et-Miquelon – les deux îles, séparées par une dizaine de kilomètres, forment une entité indissociable – a longtemps été un grand centre de pêche. Saint-Pierre, le chef-lieu, qui abrite la plupart des insulaires, est une ville on ne peut plus française. On y trouve de bons restaurants français servant des escargots et des cuisses de grenouille ; les pâtisseries vendent des croissants ventrus et croustillants à souhait, et les Peugeot, Renault et autres Citroën sillonnent à vive allure les rues étroites creusées de nids-de-poule. //PHRASE 2//. Et bien entendu, le français est ici la langue maternelle.
Ce n’est pas l’endroit le plus facile à atteindre, ce qui contribue sans doute à expliquer la rareté des hôtels. Pour m’y rendre, j’ai d’abord dû prendre un avion pour New York, puis une correspondance pour Halifax, en Nouvelle-Ecosse canadienne. //PHRASE 3//. Théoriquement, une voiture de location m’attendait sur place mais le lecteur de carte de crédit du loueur ne fonctionnait pas (ce qui arrive souvent sur l’île) et je n’avais pas d’euros sur moi. Qu’à cela ne tienne, on m’a remis les clés, sans poser la moindre question. J’ai très vite compris que j’allais me sentir bien dans cet endroit improbable qui aime à se faire appeler la “terre insolite”*. [...]
Si je n’avais pas eu la chance de me trouver à Saint-Pierre par un magnifique 14 juillet, l’île aurait pu me paraître plutôt morne. Par moments, il n’y a pratiquement aucune visibilité sur les routes, où on ne rencontre pas le moindre feu rouge. (Il est vrai que le bout de terre sur lequel est sis Saint-Pierre ne fait guère plus de 25 kilomètres carrés). //PHRASE 4//. “C’est pire encore”, répond-elle simplement en souriant. Ce sont peut-être les rigueurs du climat qui ont poussé les habitants à barioler leurs maisons de tons bleus, verts, jaunes, roses et violets. //PHRASE 5//.
Quelques boutiques coincées entre les maisonnettes vendent du vin, des vêtements et des parfums français ainsi que de curieux articles en “cuir”, qui sont en réalité confectionnés à partir de peaux de morue. //PHRASE 6//. La télévision n’est arrivée ici qu’en 1967 et, si les îles sont aujourd’hui équipées d’ordinateurs, il n’y a pas l’ombre d’un café Internet. Mon téléphone portable, qui marche presque partout dans le monde, n’a pas de réception ici. J’en suis quitte pour acheter une carte téléphonique française.
Notablement plus grande que Saint-Pierre, l’île de la Grande Miquelon ne compte que 700 habitants et est reliée par une langue de terre à Langlade, dite Petite Miquelon, qui n’est habitée qu’en été. //PHRASE 7//. Les Saint-Pierrais viennent y chasser, pêcher et échapper à la vie “urbaine”. [...]
Je me demande si les Saint-Pierrais se sentent différents des autres Français. //PHRASE 8//. “Nous vivons comme des gens d’Amérique du Nord, mais nous ne sommes pas américains. Nous sommes français. Nous voyons les choses plus en grand qu’en Europe. Nous prenons le meilleur de la France, la nourriture, le fromage…”
Le soir venu, les rues sont parées de guirlandes. Le grand bal public a commencé. Une lourde chape de brume s’est installée et nous attendons vainement les feux d’artifice*. Une jeune femme de l’office du tourisme annonce qu’ils ont été reportés, au mois d’août peut-être, mais pas avant, en attendant que le temps se dégage. //PHRASE 9//.
Je vais me chercher un verre de vin rosé et je m’assieds à une table de pique-nique pour faire le point sur ce que m’inspire cet étrange territoire. Tout compte fait, je crois que Bill Marshall, professeur d’études françaises modernes à l’université de Glasgow, que j’ai rencontré ici, a parfaitement résumé la situation. Il est venu effectuer des recherches pour son prochain livre, L’Atlantique français, une série d’essais sur l’histoire culturelle et littéraire de la diaspora française, dont celle de Saint-Pierre-et-Miquelon. //PHRASE 10//.
* En français dans le texte.

A ses yeux, la commémoration du 14-Juillet à Saint-Pierre – et Saint-Pierre avec – est “un théâtre de la francité. Ils jouent très bien leur rôle de Français. Cela étant, ajoute-t-il comme en repentir, les Français aussi jouent très bien leur rôle de Français.”
PHRASE 10
Aux tables des restaurants, les clients tirent sur leurs Gauloises. Quand des amis se retrouvent, ils s’embrassent sur les deux joues
PHRASE 2
Elles sont bâties au ras des chaussées étroites du quartier qui domine le port, et la plupart arborent de jolis rideaux de dentelles aux fenêtres et des tambours – petits sas de la taille d’un placard – qui les isolent des rigueurs de l’hiver
PHRASE 5
Je pose la question à Bruno Arthur, menuisier et membre du conseil municipal, qui a fait trois voyages en métropole
PHRASE 8
“L’année dernière, nous les avons entendus, mais nous n’avons rien vu”, explique-t-elle
PHRASE 9
L’artisanat local décline les thèmes marins avec un kitsch certain. Outre sa francité, c’est son absolu isolement qui donne à Saint-Pierre son côté un peu surnaturel
PHRASE 6
Le lendemain, j’ai embarqué dans un gros coucou qui assurait la liaison jusqu’à Saint-Pierre
PHRASE 3
Par une journée froide et pluvieuse, je ne résiste pas à demander à une jeune guide du musée de l’Arche à quoi peuvent bien ressembler les hivers, s’ils ont ce temps-là en juillet
PHRASE 4
Rien d’étonnant à cela : on n’y trouve qu’une petite chapelle, un café et quelques rangées de cabanons, mais ni électricité ni eau courante, et en hiver les températures dégringolent bien en dessous de zéro
PHRASE 7
Tandis que des gendarmes, uniforme bleu impeccable et gants blancs, torse barré d’un fusil, se mettent au garde-à-vous dès que la fanfare entonne La Marseillaise
PHRASE 1
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON

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