(Los Angeles
Times / Beverley Beyette / 20 juillet 2006)
SAINT-PIERRE ET MIQUELON, ÎLES FRONTIÈRE |
Comment
passer un 14 juillet sous le drapeau tricolore sans traverser l’océan lorsqu’on
est une journaliste californienne ? Il suffit de se rendre dans le plus
septentrional de nos territoires d’outre-mer. Exotisme et Marseillaise garantis
!
Le drapeau tricolore flotte sur la place
du Général-de-Gaulle par cette matinée brumeuse, //PHRASE 1//. Nous sommes
le 14 juillet. Je suis en France, entourée de Français patriotes, et pourtant,
4 500 kilomètres et un océan me séparent de Paris. Car Saint-Pierre-et-Miquelon,
c’est la France,
même si les deux îles se situent à une trentaine de kilomètres au large de la
pointe sud de Terre-Neuve. [...]
Saint-Pierre-et-Miquelon – les deux
îles, séparées par une dizaine de kilomètres, forment une entité indissociable
– a longtemps été un grand centre de pêche. Saint-Pierre, le chef-lieu, qui
abrite la plupart des insulaires, est une ville on ne peut plus française. On y
trouve de bons restaurants français servant des escargots et des cuisses de
grenouille ; les pâtisseries vendent des croissants ventrus et croustillants à
souhait, et les Peugeot, Renault et autres Citroën sillonnent à vive allure les
rues étroites creusées de nids-de-poule. //PHRASE 2//. Et bien entendu, le
français est ici la langue maternelle.
Ce n’est pas l’endroit le plus
facile à atteindre, ce qui contribue sans doute à expliquer la rareté des
hôtels. Pour m’y rendre, j’ai d’abord dû prendre un avion pour New York, puis
une correspondance pour Halifax, en Nouvelle-Ecosse canadienne. //PHRASE
3//. Théoriquement, une voiture de location m’attendait sur place mais
le lecteur de carte de crédit du loueur ne fonctionnait pas (ce qui arrive
souvent sur l’île) et je n’avais pas d’euros sur moi. Qu’à cela ne tienne, on
m’a remis les clés, sans poser la moindre question. J’ai très vite compris que
j’allais me sentir bien dans cet endroit improbable qui aime à se faire appeler
la “terre insolite”*. [...]
Si je n’avais pas eu la chance de me
trouver à Saint-Pierre par un magnifique 14 juillet, l’île aurait pu me
paraître plutôt morne. Par moments, il n’y a pratiquement aucune visibilité sur
les routes, où on ne rencontre pas le moindre feu rouge. (Il est vrai que le
bout de terre sur lequel est sis Saint-Pierre ne fait guère plus de 25
kilomètres carrés). //PHRASE 4//. “C’est pire encore”, répond-elle simplement en
souriant. Ce sont peut-être les rigueurs du climat qui ont poussé les habitants
à barioler leurs maisons de tons bleus, verts, jaunes, roses et violets. //PHRASE
5//.
Quelques boutiques coincées entre
les maisonnettes vendent du vin, des vêtements et des parfums français ainsi
que de curieux articles en “cuir”, qui sont en réalité confectionnés à partir
de peaux de morue. //PHRASE 6//. La télévision n’est arrivée ici qu’en 1967 et, si
les îles sont aujourd’hui équipées d’ordinateurs, il n’y a pas l’ombre d’un
café Internet. Mon téléphone portable, qui marche presque partout dans le
monde, n’a pas de réception ici. J’en suis quitte pour acheter une carte
téléphonique française.
Notablement plus grande que
Saint-Pierre, l’île de la
Grande Miquelon ne compte que 700 habitants et est reliée par
une langue de terre à Langlade, dite Petite Miquelon, qui n’est habitée qu’en
été. //PHRASE
7//. Les Saint-Pierrais viennent y chasser, pêcher et échapper à la vie
“urbaine”. [...]
Je me demande si les Saint-Pierrais
se sentent différents des autres Français. //PHRASE 8//. “Nous vivons comme des
gens d’Amérique du Nord, mais nous ne sommes pas américains. Nous sommes
français. Nous voyons les choses plus en grand qu’en Europe. Nous prenons le
meilleur de la France,
la nourriture, le fromage…”
Le soir venu, les rues sont parées
de guirlandes. Le grand bal public a commencé. Une lourde chape de brume s’est
installée et nous attendons vainement les feux d’artifice*. Une jeune femme de
l’office du tourisme annonce qu’ils ont été reportés, au mois d’août peut-être,
mais pas avant, en attendant que le temps se dégage. //PHRASE 9//.
Je vais me chercher un verre de vin
rosé et je m’assieds à une table de pique-nique pour faire le point sur ce que
m’inspire cet étrange territoire. Tout compte fait, je crois que Bill Marshall,
professeur d’études françaises modernes à l’université de Glasgow, que j’ai
rencontré ici, a parfaitement résumé la situation. Il est venu effectuer des
recherches pour son prochain livre, L’Atlantique
français, une série d’essais sur l’histoire culturelle et littéraire de la
diaspora française, dont celle de Saint-Pierre-et-Miquelon. //PHRASE
10//.
* En français dans le texte.
A ses yeux, la commémoration du 14-Juillet à
Saint-Pierre – et Saint-Pierre avec – est “un théâtre de la francité. Ils
jouent très bien leur rôle de Français. Cela étant, ajoute-t-il comme en
repentir, les Français aussi jouent très bien leur rôle de Français.”
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PHRASE 10
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Aux tables des restaurants, les clients tirent sur
leurs Gauloises. Quand des amis se retrouvent, ils s’embrassent sur les deux
joues
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PHRASE 2
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Elles sont bâties au ras des chaussées étroites du
quartier qui domine le port, et la plupart arborent de jolis rideaux de
dentelles aux fenêtres et des tambours – petits sas de la taille d’un placard
– qui les isolent des rigueurs de l’hiver
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PHRASE 5
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Je pose la question à Bruno Arthur, menuisier et
membre du conseil municipal, qui a fait trois voyages en métropole
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PHRASE 8
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“L’année dernière, nous les avons entendus, mais
nous n’avons rien vu”, explique-t-elle
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PHRASE 9
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L’artisanat local décline les thèmes marins avec un
kitsch certain. Outre sa francité, c’est son absolu isolement qui donne à
Saint-Pierre son côté un peu surnaturel
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PHRASE 6
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Le lendemain, j’ai embarqué dans un gros coucou qui
assurait la liaison jusqu’à Saint-Pierre
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PHRASE 3
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Par une journée froide et pluvieuse, je ne résiste
pas à demander à une jeune guide du musée de l’Arche à quoi peuvent bien
ressembler les hivers, s’ils ont ce temps-là en juillet
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PHRASE 4
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Rien d’étonnant à cela : on n’y trouve qu’une
petite chapelle, un café et quelques rangées de cabanons, mais ni électricité
ni eau courante, et en hiver les températures dégringolent bien en dessous de
zéro
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PHRASE 7
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Tandis que des gendarmes, uniforme bleu impeccable
et gants blancs, torse barré d’un fusil, se mettent au garde-à-vous dès que
la fanfare entonne La Marseillaise
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PHRASE 1
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SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON |
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