Quand la subordonnée dépend d'une principale contenant un verbe ou une
locution exprimant la crainte et que cette principale n'est pas
négative, on emploie souvent le
2. La négation
Règle générale
En français, on distingue syntaxiquement deux formes principales de
la négation, selon qu'elle porte sur l'ensemble de la phrase ou sur un
constituant :
La négation portant sur l'ensemble de la phrase se forme en ajoutant à la phrase affirmative l'adverbe
ne pas ; les deux éléments de cet adverbe se placent ordinairement de part et d'autre du verbe ou de l'auxiliaire :
- Jean aime les voyages → Jean n’aime pas les voyages.
- J’ai fait cela → Je n’ai pas fait cela.
Lorsque le verbe est à l'
infinitif, les deux éléments sont placés devant l'infinitif :
- Je vous demande de ne pas me déranger
- Je crains de ne pas avoir compris
ou parfois (plus littéraire) de part et d'autre :
- Je crains de n’avoir pas compris.
Ne… pas (sans partitif) est une négation complète.
Pas étant
tonique et
ne atone, donc plus étroitement lié au verbe, on peut dire :
- Il ne manque, après l'appel, pas un élève
mais pas :
- * Il ne, après l'appel, manque pas un élève.
Pourtant,
ne peut être employé
seul devant le verbe.
Si la négation porte sur un groupe du nom, sujet ou objet, on emploie
ne et un
déterminant négatif :
- Il a fait un effort → Il n’a fait aucun effort
- Quelqu’un est venu → Personne n’est venu.
Ne pas peut être remplacé par une formulation parallèle (
ne point, ne plus, ne guère, ne jamais…), selon le sens et le
registre de langue. Ces adverbes en deux parties sont aussi appelés
morphèmes discontinus, ou
disjoints.
Si la négation porte sur un nom, un adjectif, un adverbe, elle peut être exprimée par un
préfixe :
- Son attitude est incompréhensible (= elle ne peut pas être comprise).
Dans la majeure partie de ces phrases, à la négation correspondent deux éléments, souvent désignés (à la suite de
Jacques Damourette et
Édouard Pichon)
discordantiel (
ne) et
forclusif (
pas,
aucun N etc.). En français, la double négation est un cas particulier de cette configuration.
Rien que (ou
nul que) et
pas que sont
contraires, l'un signifiant « uniquement » et l'autre « pas seulement ».
Dans le premier cas, on a bien une relance de prédication positive,
rien que moi signifiant « uniquement moi » mais aussi « rien sauf moi » :
sauf moi étant la relance positive. Dans le second cas,
que est simplement un
adverbe comme
uniquement.
Cependant,
rien que suivi de compléments indirects ou circonstanciels peut exprimer l'exception :
- On le reconnaît rien qu’à sa démarche.
« Ne… goutte, ne… mie », et autres négations rares
Ces constructions employées comme variantes de
ne… pas sont des survivances de l'époque où la négation habituelle était
ne, suivi de n'importe quel objet dont la fonction, l'existence, la possession, etc. étaient niées. On trouve encore aujourd'hui des exemples de ce type de négation :
je n'ai domestique ni valet signifie
je n'ai pas de domestique, ni de valet ou
je n'ai ni domestique ni valet. Cette construction peut être aussi une double négation comme dans cet exemple de
Charles d’Orléans :
- Il n’y a bête ni oiseau / Qu'en son jargon ne chante ou crie
Dans ces constructions, certains
noms se sont spécialisés à la manière de
pas et sont à leur tour devenus
adverbes :
- goutte associé au verbe voir. N'y voir goutte signifie ne rien y voir ;
- point : ne même pas avoir un point ;
- mie : ne même pas avoir une mie (une miette) ;
- rien : autrefois substantif, rien (ancien français : ren, de
l'accusatif latin rem, « chose »), est le terme le plus utilisé
aujourd'hui.
L'expression
ne… guère…, surtout utilisée à partir du
XVIIIe siècle, provient à l'origine du
francique waigaro qui signifiait « beaucoup », et n'entre donc pas directement dans ce cadre.
Emploi de « ne » seul
Dans un
registre soutenu, on peut employer
ne seul pour exprimer une négation totale
1 :
- Je ne puis vous dire ma joie (langue courante: « je ne peux pas vous dire ma joie »)
- Que ne me l'aviez-vous dit ? (que signifiant ici pourquoi)
- A Dieu ne plaise !
- Si je ne me trompe, nous sommes arrivés (= « si je ne me trompe pas »)
Omission de « ne »
Le morphème
ne peut être omis :
J'ai jamais dit ça
– Est-ce que vous avez vu ce film ? – Pas encore.
L'adverbe
pas étant tonique, il est senti comme plus négatif que le
ne seul d'un point de vue
intersubjectif, mais pas d'un point de vue grammatical pur.
Pas seul peut être employé sans qu'il y ait omission de
ne :
Des tournures interrogatives littéraires ou vieillies comme
A-t-on jamais [vu] (à comprendre comme « y a-t-il eu le moindre exemple de ») sous-entendent la négation (= « On n'a jamais [vu] cela ») :
- Harpagon : (…) Mais voyez quelle audace ! A-t-on jamais vu une fille parler de la sorte à son père ?
- Élise : Mais a-t-on jamais vu un père marier sa fille de la sorte ?
Omission simultanée de « ne » et « pas »
L'omission exceptionnelle tout à la fois de
ne et de
pas est très rare et demande des conditions énonciatives particulières : elle n'est utilisée que dans les défenses.
- T'occupe ! (= « ne t'occupe pas de cela, mêle-toi de ce qui te regarde »).
« L'antéposition du pronom objet premier » pallie l'absence des deux adverbes négatifs.
Il ne faut pas confondre négation sans mot négatif et affirmation
ironique.
C'est cela ou
oui c'est ça, bien sûr, pour dire « je ne suis pas d'accord » sont de vraies affirmations (ironiques), tout comme
je pense que c'est faux.
T'inquiète ! et
t'occupe ! sont en revanche de vraies négations.
Cette omission des adverbes négatifs est rendue possible par un
double phénomène : la place du pronom (antéposition/postposition) et sa
forme (tonique / atone). La phrase affirmative correspondante serait :
occupe-toi ou occupe-t'en.
On remarquera que cette forme de négation n'est cependant pas
créative. Elle n'est utilisée que dans les deux exemples cités,
quasiment lexicalisés et très familiers.
Négation et partitif
Devant un nom
complément d'objet direct au sens
partitif dans une proposition négative, on emploie
de si la négation est absolue concernant l'objet du verbe
(= « aucune quantité de »), mais
du, de la, de l', des si la phrase implique, quant au nom, une idée affirmative, ou quand on veut insister sur l'objet :
- Je n'ai pas d’argent, pas d’amis, je ne bois jamais de vin, mais :
- Elle ne boit que de l’eau ; n'avez-vous pas des amis pour vous aider ?
- Vous n'avez pas demandé du vin, mais de la bière.
Cette négation n'est pas complète car elle ménage une issue au procès
du verbe, comme dans le dernier exemple. La locution adverbiale
ne… pas (sans partitif) exprime une négation complète, plus complète que
ne… pas + partitif : en effet le partitif est une forme de restriction de la négation.
est plus négatif que :
qui laisse ouverte la possibilité de fumer autre chose que du
tabac (— avec modération).
« Non »
Sur les autres projets Wikimedia :
Non (ainsi que l'ancien
nenni) est l'équivalent
tonique de l'adverbe atone
ne. Il s'est spécialisé dans une négation complète (saisie tardive du
mouvement de négativation).
Non peut constituer à lui seul
l'équivalent de toute une phrase négative, en réponse à une phrase
interrogative ou impérative. C'est pourquoi il est la négation la plus
complète qui existe en français. Il peut constituer une
interjection :
- — Êtes-vous prêt ? — Non. (= « je ne suis pas prêt »).
- — Donnez-moi cela ! — Non ! (= « je ne veux pas vous le donner »)
- — NOOOON ! (cri d'horreur, de désespoir ou de mise en garde, au cinéma, dans la BD, etc).
Non peut alors confirmer une
prédication négative :
- — N'a-t-il rien mangé ? — Non.
ou infirmer une prédication positive :
- — Tu finiras bien par manger ta soupe. — Non.
Ce n'est pas le cas dans de nombreuses langues (comme
le japonais), qui utilisent
oui pour confirmer une prédication négative.
Par ailleurs,
non peut aussi servir à repousser l'énonciation elle-même :
- — Tu es pâle, tu ne te sens pas bien ? — Non, ce n'est pas ça.
réponse qui signifie « ce n'est pas cela qui me préoccupe ».
Lexicalement,
non est utilisé pour composer des mots :
non-lieu,
non-ingérence, ou pour en dériver :
nonchalant (de
chalant, du verbe
chaloir en ancien français),
nonobstant. Il peut aussi compléter des adjectifs :
non coupable, non valide.
Coordination et négation
Reprise de négation ou opposition
Des éléments
coordonnés à l'intérieur d'une phrase peuvent être tous négatifs (on utilise alors une reprise de négation) :
- Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe / Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur (Victor Hugo)
- Je ne vis perdrix ni lièvre (vieux ou litt.)
- Je n'ai pas de voiture, et pas non plus de vélo
mais aussi négatifs pour certains d'entre eux seulement ; il peut alors y avoir ou non opposition exprimée entre les termes :
- Je vous conseille de persévérer et de ne pas vous décourager
- J'ai dit que je viendrai demain, et non (pas) aujourd'hui
Les coordonnants « mais », « pourtant », etc.
Certains coordonnants peuvent enfin servir à nier la proposition, non
exprimée, qui était la suite logique ou possible de la proposition
précédente. Dans :
- Il est grand mais peu habile au basket
mais sert, non à opposer les deux propositions qu'il coordonne, mais à nier les propositions éventuellement attendues
donc il est fort au basket,
donc il s'inscrit dans un club de basket, etc. Il est remarquable que dans cet exemple il n'y ait pas trace du morphème négatif
-n-. Il s'agit d'un usage « argumentatif » de
mais;
pourtant,
malgré cela, etc. sont du même ordre.
Un deuxième usage de
mais est un usage « descriptif » : il apparait nécessairement derrière une négation telle que :
D'après
Olivier Soutet,
« l'élément de droite exprime positivement ce que l'élément de gauche a
signifié négativement dans le cadre d'une négation réfutatoire ». Ceci
correspond à la tournure allemande « négateur +
sondern »; ou à la tournure espagnole « négateur +
sino ».