vendredi 13 décembre 2013

NE EXPLÉTIF / NÉGATION / NE...QUE...

AFIN D'ÉVITER LES CONFUSIONS ET DE SAVOIR DIFFÉRENCIER LES CONCEPTS, 
JE VOUS EXPOSE 3 THÈMES QUI VOUS POSENT PROBLÈME:
  1. LE NE EXPLÉTIF (Exercice)
  2. LA NÉGATION (Exercices)
  3. NE...QUE... (LA RESTRICTION)

On appelle ne explétif l'adverbe ne que l'on utilise sans que sa présence soit obligatoire. Ce ne explétif n'a pas de sens négatif ; il est à distinguer de la négation ne… pas. Je l'ai prévenu avant qu'il ne soit trop tard ou avant qu'il soit trop tard. Ne apparaît dans des subordonnées qui dépendent d'une principale avec un certain type de verbes ou de locutions verbales ou qui sont introduites par certaines locutions.

Dans des subordonnées de comparaison

Dans les propositions subordonnées de comparaison, on emploie ne seulement si on exprime une inégalité (différence, supériorité ou infériorité). Les manifestants étaient plus nombreux qu'on ne l'a prétendu. C'est beaucoup moins difficile que je ne l'avais imaginé. Ainsi, on peut employer ne quand la principale contient un terme tel que :
autre
autrement
davantage
meilleur
mieux
moindre
moins
pire
pis
plus
plutôt
Lorsque la comparaison est de l'ordre de l'égalité (aussi, autant…), on ne peut pas employer ne sauf si la principale est négative (on se retrouve en fait dans le cas de l'inégalité). Les dégâts sont aussi importants que s'il s'était agi d'un cyclone (et non que s'il ne s'était agi… : la principale n'exprime pas une inégalité). Les dégâts ne sont pas aussi importants qu'on l'avait imaginé (ou qu'on ne l'avait imaginé : la principale contient une négation).

Dans les subordonnées introduites par avant que, à moins que, sans que

  • Les subordonnées introduites par avant que et à moins que contiennent souvent le ne explétif, que la principale soit négative ou non. Agissons avant qu'il ne soit trop tard. Nous n'interviendrons pas dans cette affaire à moins qu'on ne nous le demande.
  • Les subordonnées introduites par sans que peuvent contenir ne seulement si la principale est négative. Il n'a pas voulu tout changer sans qu'on ne lui ait expliqué les raisons de ces choix. Il a tout changé sans qu'on lui ait expliqué les raisons de ces choix (et non sans qu'on ne lui ait expliqué).

Dans les subordonnées dépendant d'un verbe ou une locution exprimant la crainte

Quand la subordonnée dépend d'une principale contenant un verbe ou une locution exprimant la crainte et que cette principale n'est pas négative, on emploie souvent le ne explétif. Je crains qu'il ne soit trop tard. Il nous a rappelé le rendez-vous de peur que nous ne l'ayons oublié. On emploie ne dans des subordonnées dépendant de :
appréhender
avoir peur
craindre
redouter
trembler
de crainte que
de peur que, etc.
Si la principale est négative, on n'emploie pas ne. Ne craignez-vous pas que le pouvoir d'achat diminue ? (et non que le pouvoir d'achat ne diminue).

2. La négation

Règle générale

En français, on distingue syntaxiquement deux formes principales de la négation, selon qu'elle porte sur l'ensemble de la phrase ou sur un constituant :
La négation portant sur l'ensemble de la phrase se forme en ajoutant à la phrase affirmative l'adverbe ne pas ; les deux éléments de cet adverbe se placent ordinairement de part et d'autre du verbe ou de l'auxiliaire :
  • Jean aime les voyages → Jean n’aime pas les voyages.
  • J’ai fait cela → Je n’ai pas fait cela.
Lorsque le verbe est à l'infinitif, les deux éléments sont placés devant l'infinitif :
  • Je vous demande de ne pas me déranger
  • Je crains de ne pas avoir compris
ou parfois (plus littéraire) de part et d'autre :
  • Je crains de n’avoir pas compris.
Ne… pas (sans partitif) est une négation complète. Pas étant tonique et ne atone, donc plus étroitement lié au verbe, on peut dire :
  • Il ne manque, après l'appel, pas un élève
mais pas :
  • * Il ne, après l'appel, manque pas un élève.
Pourtant, ne peut être employé seul devant le verbe.
Si la négation porte sur un groupe du nom, sujet ou objet, on emploie ne et un déterminant négatif :
  • Il a fait un effort → Il n’a fait aucun effort
  • Quelqu’un est venu → Personne n’est venu.
Ne pas peut être remplacé par une formulation parallèle (ne point, ne plus, ne guère, ne jamais…), selon le sens et le registre de langue. Ces adverbes en deux parties sont aussi appelés morphèmes discontinus, ou disjoints.
Si la négation porte sur un nom, un adjectif, un adverbe, elle peut être exprimée par un préfixe :
  • Son attitude est incompréhensible (= elle ne peut pas être comprise).
Dans la majeure partie de ces phrases, à la négation correspondent deux éléments, souvent désignés (à la suite de Jacques Damourette et Édouard Pichon) discordantiel (ne) et forclusif (pas, aucun N etc.). En français, la double négation est un cas particulier de cette configuration.

Rien que (ou nul que) et pas que sont contraires, l'un signifiant « uniquement » et l'autre « pas seulement ». Dans le premier cas, on a bien une relance de prédication positive, rien que moi signifiant « uniquement moi » mais aussi « rien sauf moi » : sauf moi étant la relance positive. Dans le second cas, que est simplement un adverbe comme uniquement.
Cependant, rien que suivi de compléments indirects ou circonstanciels peut exprimer l'exception :
  • On le reconnaît rien qu’à sa démarche.

« Ne… goutte, ne… mie », et autres négations rares

Ces constructions employées comme variantes de ne… pas sont des survivances de l'époque où la négation habituelle était ne, suivi de n'importe quel objet dont la fonction, l'existence, la possession, etc. étaient niées. On trouve encore aujourd'hui des exemples de ce type de négation : je n'ai domestique ni valet signifie je n'ai pas de domestique, ni de valet ou je n'ai ni domestique ni valet. Cette construction peut être aussi une double négation comme dans cet exemple de Charles d’Orléans :
  • Il n’y a bête ni oiseau / Qu'en son jargon ne chante ou crie
Dans ces constructions, certains noms se sont spécialisés à la manière de pas et sont à leur tour devenus adverbes :
  • goutte associé au verbe voir. N'y voir goutte signifie ne rien y voir ;
  • point : ne même pas avoir un point ;
  • mie : ne même pas avoir une mie (une miette) ;
  • rien : autrefois substantif, rien (ancien français : ren, de l'accusatif latin rem, « chose »), est le terme le plus utilisé aujourd'hui.
L'expression ne… guère…, surtout utilisée à partir du XVIIIe siècle, provient à l'origine du francique waigaro qui signifiait « beaucoup », et n'entre donc pas directement dans ce cadre.

Emploi de « ne » seul

Dans un registre soutenu, on peut employer ne seul pour exprimer une négation totale 1 :
  • Je ne puis vous dire ma joie (langue courante: « je ne peux pas vous dire ma joie »)
  • Que ne me l'aviez-vous dit ? (que signifiant ici pourquoi)
  • A Dieu ne plaise !
  • Si je ne me trompe, nous sommes arrivés (= « si je ne me trompe pas »)

Omission de « ne »

Le morphème ne peut être omis :
J'ai jamais dit ça
– Est-ce que vous avez vu ce film ? – Pas encore.
L'adverbe pas étant tonique, il est senti comme plus négatif que le ne seul d'un point de vue intersubjectif, mais pas d'un point de vue grammatical pur.
Pas seul peut être employé sans qu'il y ait omission de ne :
  • Pitié, pas moi !
Des tournures interrogatives littéraires ou vieillies comme A-t-on jamais [vu] (à comprendre comme « y a-t-il eu le moindre exemple de ») sous-entendent la négation (= « On n'a jamais [vu] cela ») :
  • Harpagon : (…) Mais voyez quelle audace ! A-t-on jamais vu une fille parler de la sorte à son père ?
  • Élise : Mais a-t-on jamais vu un père marier sa fille de la sorte ?

Omission simultanée de « ne » et « pas »

L'omission exceptionnelle tout à la fois de ne et de pas est très rare et demande des conditions énonciatives particulières : elle n'est utilisée que dans les défenses.
  • T'occupe ! (= « ne t'occupe pas de cela, mêle-toi de ce qui te regarde »).
« L'antéposition du pronom objet premier » pallie l'absence des deux adverbes négatifs.
Il ne faut pas confondre négation sans mot négatif et affirmation ironique. C'est cela ou oui c'est ça, bien sûr, pour dire « je ne suis pas d'accord » sont de vraies affirmations (ironiques), tout comme je pense que c'est faux. T'inquiète ! et t'occupe ! sont en revanche de vraies négations.
Cette omission des adverbes négatifs est rendue possible par un double phénomène : la place du pronom (antéposition/postposition) et sa forme (tonique / atone). La phrase affirmative correspondante serait : occupe-toi ou occupe-t'en.
On remarquera que cette forme de négation n'est cependant pas créative. Elle n'est utilisée que dans les deux exemples cités, quasiment lexicalisés et très familiers.

Négation et partitif

Devant un nom complément d'objet direct au sens partitif dans une proposition négative, on emploie de si la négation est absolue concernant l'objet du verbe (= « aucune quantité de »), mais du, de la, de l', des si la phrase implique, quant au nom, une idée affirmative, ou quand on veut insister sur l'objet :
  • Je n'ai pas d’argent, pas d’amis, je ne bois jamais de vin, mais :
  • Elle ne boit que de l’eau ; n'avez-vous pas des amis pour vous aider ?
  • Vous n'avez pas demandé du vin, mais de la bière.
Cette négation n'est pas complète car elle ménage une issue au procès du verbe, comme dans le dernier exemple. La locution adverbiale ne… pas (sans partitif) exprime une négation complète, plus complète que ne… pas + partitif : en effet le partitif est une forme de restriction de la négation.
  • Je ne fume pas
est plus négatif que :
  • Je ne fume pas de tabac
qui laisse ouverte la possibilité de fumer autre chose que du tabac (— avec modération).

« Non »

Sur les autres projets Wikimedia :
Non (ainsi que l'ancien nenni) est l'équivalent tonique de l'adverbe atone ne. Il s'est spécialisé dans une négation complète (saisie tardive du mouvement de négativation).
Non peut constituer à lui seul l'équivalent de toute une phrase négative, en réponse à une phrase interrogative ou impérative. C'est pourquoi il est la négation la plus complète qui existe en français. Il peut constituer une interjection :
  • — Êtes-vous prêt ? — Non. (= « je ne suis pas prêt »).
  • — Donnez-moi cela ! — Non ! (= « je ne veux pas vous le donner »)
  • NOOOON ! (cri d'horreur, de désespoir ou de mise en garde, au cinéma, dans la BD, etc).
Non peut alors confirmer une prédication négative :
  • — N'a-t-il rien mangé ? — Non.
ou infirmer une prédication positive :
  • — Tu finiras bien par manger ta soupe. — Non.
Ce n'est pas le cas dans de nombreuses langues (comme le japonais), qui utilisent oui pour confirmer une prédication négative.
Par ailleurs, non peut aussi servir à repousser l'énonciation elle-même :
  • — Tu es pâle, tu ne te sens pas bien ? — Non, ce n'est pas ça.
réponse qui signifie « ce n'est pas cela qui me préoccupe ».
Lexicalement, non est utilisé pour composer des mots : non-lieu, non-ingérence, ou pour en dériver : nonchalant (de chalant, du verbe chaloir en ancien français), nonobstant. Il peut aussi compléter des adjectifs : non coupable, non valide.

Coordination et négation

Reprise de négation ou opposition

Des éléments coordonnés à l'intérieur d'une phrase peuvent être tous négatifs (on utilise alors une reprise de négation) :
  • Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe / Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur (Victor Hugo)
  • Je ne vis perdrix ni lièvre (vieux ou litt.)
  • Je n'ai pas de voiture, et pas non plus de vélo
mais aussi négatifs pour certains d'entre eux seulement ; il peut alors y avoir ou non opposition exprimée entre les termes :
  • Je vous conseille de persévérer et de ne pas vous décourager
  • J'ai dit que je viendrai demain, et non (pas) aujourd'hui

Les coordonnants « mais », « pourtant », etc.

Certains coordonnants peuvent enfin servir à nier la proposition, non exprimée, qui était la suite logique ou possible de la proposition précédente. Dans :
  • Il est grand mais peu habile au basket
mais sert, non à opposer les deux propositions qu'il coordonne, mais à nier les propositions éventuellement attendues donc il est fort au basket, donc il s'inscrit dans un club de basket, etc. Il est remarquable que dans cet exemple il n'y ait pas trace du morphème négatif -n-. Il s'agit d'un usage « argumentatif » de mais; pourtant, malgré cela, etc. sont du même ordre.
Un deuxième usage de mais est un usage « descriptif » : il apparait nécessairement derrière une négation telle que :
D'après Olivier Soutet, « l'élément de droite exprime positivement ce que l'élément de gauche a signifié négativement dans le cadre d'une négation réfutatoire ». Ceci correspond à la tournure allemande « négateur + sondern »; ou à la tournure espagnole « négateur + sino ».

3. « Ne… que… »
La locution adverbiale ne… que… exprime la restriction (elle est dite restrictive ou exceptive) et signifie « seulement, rien de plus que ». Dans :
  • Je n’ai que dix euros sur moi
le locuteur à la fois affirme qu'il a dix euros et nie en avoir davantage.
Pour Marc Wilmet, « l'auxiliaire exceptif que arrête ne […] au seuil de la prédication négative et relance la prédication positive. » Le locuteur nie le sous-ensemble des éléments complémentaires
  • de l'objet : Pierre n’aime que Marie ;
  • du circonstanciel : Marie ne part que dans un mois ;
  • de l'attribut : Moi je ne suis qu’une ombre, et vous qu’une clarté ! " ;
  • du complément de présentatif : Il n’y a que lui qui me comprenne ;
  • de la séquence impersonnelle: Il ne reste, autour de moi, que la desserte d'un long été (Colette).

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